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La petite fille derrière la porte

Toi qui a aimé ma mère .

Toi qui a été mon père .

Toi qui à l’aube de mes 1 an, a décidé qu’il était temps…

Derrière cette porte, il y avait une petite fille, il y avait une histoire, de l’espoir, des vies … Il y a eu dès lors un passé, des drames, de l’attente , des fantômes, des questions et des silences. Ce silence qui fait tant de bruit J’ai grandi au milieu de votre guerre, pourtant entouré d’amour. Cette mère aimante pour deux, et toi mon pilier, ce grand-père merveilleux.

Je me suis longtemps senti flottante, comme un personnage dans une phrase que l’auteur ne finit pas . Attendre … J’ai erré sans laisser transparaitre l’errance, donnant toujours l’impression de savoir où j’allais … il y a bien des prisons sans murs. Le travail de l’esprit pendant l’enfance creuse dans l’âme des plaies profondes …chaque parole a une conséquence, chaque silence aussi . Le temps a fuit .. j’ai grandi …j’ai appris à vivre sans toi.

Et puis un jour, j’ai décidé de t’abandonner aussi. J’ai laissé partir ce qui ne saurait être retenu. J’ai décidé de couper ce lien, même invisible, qui me lie à toi .. rompre les chaînes, faire le deuil de cette relation avortée lorsque tu as franchi cette porte sans te retourner ..

Mes peurs je les ai soignées, pansées, essayé de trouver la formule magique .

J’ai choisi d’être solide, motivée, engagée, d’être utile et non pas utilisée J’ai choisi l’estime de soi, pas la pitié. J’avais porté ce combat en moi trop longtemps .

J’ai utilisé mon passé comme une force et non comme l’ancre qui te retient au fond. Avancer, coûte que coûte, mème courbée ou trébuchante.

La vie racle les bas-fond avant d’atteindre la lumière. Cent fois je me suis relevée .

J’en ai gardé des traces bien sur … cette attirance pour les portes, les cimetières, les lieux abîmés, bancales, délaissés, cabossés..ils me fascinent, je les comprends . Parce que je suis comme eux: abandonnée !!!

Ces ruines n’en demeurent pas moins vivantes, attractives, chargées d’histoire à qui sait les regarder de plus près, elles sont toujours là , debout et fières d’avoir résisté. Nous sommes identiques ..

J’ai décidé de continuer le voyage, de poursuivre mes rêves, de déverrouiller le temps, de parcourir les décombres pour découvrir le ciel .

J’ai préféré me détourner de ma haine, non pas celle envers les autres . Mais envers moi-même, pour me consacrer à l’amour véritable.

J’ai fini par pardonner, pour ne plus ressembler à ces endroits esseulés, sombres, négligés ou méprisés.

Pour me dégager de ce néant il a fallu déployer mes ailes pour incarner un peu plus chaque jour celle que j’étais .Cela ne signifie pas que j’ai oublié , mais que j’étais alors prête à reconstruire au milieu des cendres, quelque chose de beau, malgré la vue sur les décombres … dans ce monde effondré je ne m’attardais plus

49 ans après, il y a toujours cette petite fille derrière la porte, qui a compris que le seul moyen de guérir était le pardon. Qu’il libère l’âme, qu’il est une arme puissante. Ces blessures à vie sous l’armure, sont devenues cette force qui aujourd’hui sont ma fierté. De l’amour j’ai appris la déception et les joies , de toi je n’ai appris que l’abandon.

J’ai compris que le temps ne se rattrape pas, qu’il nous file entre les doigts … alors j’aime, je ris, je danse , je vis, je souris et je comprends Vieillir c’est accepter de perdre chaque jour quelque chose qu’on aime.

D’abord notre enfance, notre insouciance, nos illusions, nos amours et nos parents

Je sais maintenant que le pardon n’est pas une faiblesse.

Il n’y a pas d’amour adulte , mûr et raisonnable .

La petite fille derrière la porte a grandi, elle ne t’attend plus ….

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